L’Appareil Psychique Familial, la démarche intellectuelle et scientifique originale d’André RUFFIOT
Paru en Janvier 2017 dans la Revue en ligne de l’AIPCF.
EXTRAIT
L’Appareil Psychique Familial, la démarche intellectuelle et scientifique originale d’André RUFFIOT
Françoise AUBERTEL
En 1978, André RUFFIOT soutient une thèse de troisième cycle à l’Université des Sciences Sociales de Grenoble, intitulée « Thérapie familiale psychanalytique, l’appareil psychique familial ». Cette thèse, qu’il déploiera en 1982 dans sa thèse d’Etat, propose une théorisation tout à fait originale, mise en convergence créative et rigoureuse de différents courants de pensée, sous-tendue par une clinique familiale, qu’A. RUFFIOT pratique, à l’époque, depuis déjà plusieurs années.
J’ai eu la chance, avec d’autres (F. FUSTIER, C. JOUBERT, B. SAVIN pour ne citer qu’eux), d’être son étudiante dans ces mêmes années, puis de bénéficier de la formation que la pratique de la co-thérapie de thérapies familiales psychanalytiques qu’il menait m’a apportée. A l’époque, nous ne nous rendions pas compte de l’extrême originalité de sa pensée. Et lui-même remarquait le caractère un peu paradoxal du fait que finalement, la théorisation du « familial » venait en dernier, après l’individu, puis le groupe, alors même que la famille, le creuset familial est originaire.
Bien évidemment, il n’était pas le seul à se pencher sur la question du familial, à ce moment-là : E. GRANJON, A. EIGUER, S. DECOBERT, G. DECHERF et J.P. CAILLOT, ainsi que J. G. LEMAIRE, cheminaient aussi dans cette direction. Ils ont tous contribué au développement de cette pensée et de la technique de la TFP. Mais je tenterai ici de décrire ce qui est le centre de notre sujet, à savoir le cheminement qui a amené A. RUFFIOT à l’idée selon laquelle tout sujet est « tissu » avant d’être issu et qu’il émerge d’un berceau psychique. Le processus d’individuation se construit dans une matrice psychique, selon le terme emprunté à S. H. FOULKES : l’essence et le moteur de cette matrice, c’est l’appareil psychique familial.
Actuellement, lorsque nous échangeons entre nous, à partir de tout ce qui a été produit depuis en termes de concepts, et pratiqué dans nos institutions, ceci nous semble « naturel ». Mais il fallait beaucoup d’audace, à l’époque, pour oser proposer un en deçà du sujet, dire qu’une grande part de la subjectivité et de l’inconscient sont d’essence groupale, que le corps est individuel, mais que le psychisme est groupal. Même appuyée sur la psychanalyse Freudienne « classique », la pensée d’A. RUFFIOT titillait les théoriciens praticiens de la cure-type individuelle, et la diffusion de ses idées a rencontré quelques résistances… D’autant qu’à ce moment-là, ceux qui se penchaient, depuis déjà des années sur une organisation supra-individuelle familiale étaient dans la lignée systémique, longtemps regardée de travers par les psychanalystes européens, qui, par ailleurs, ne connaissaient que peu le travail de l’Ecole Argentine.

